Mali: L’Expert indépendant condamne les attaques et appelle
les parties à tout faire pour conclure une paix durable
BAMAKO / GENEVE (10 mars 2015) – Au terme de sa quatrième
visite au Mali du 1er au 10 mars -
visite qui l’a conduit à Gao et à Kidal du 3 au 6 -, l’Expert
indépendant sur la situation des droits de l’homme au Mali Suliman Baldo a
exprimé de vives préoccupations face aux violations massives des droits les
plus fondamentaux dont continuent à être victimes les populations dans les
zones affectées par la guerre.
Faisant allusion à la fragilité de l’accord de cessation
d’hostilité signé à Alger le 19 février, M. Baldo a déclaré que « les tensions
créées par la situation actuelle de ni guerre ni paix encourageaient ceux qui
ne s’intéressent pas à la paix à saboter les efforts en cours ».
C’est dans ce contexte que s’inscrivent les attaques
terroristes récentes qui ont causé cinq morts civiles à Bamako, et les tirs
contre le camp de la MINUSMA à Kidal et dont le bilan est de deux enfants et un
militaire de la MINUSMA tués et plusieurs militaires onusiens blessés. « Ces
attaques contre des civils et des installations de la MINUSMA sont condamnables
et les auteurs doivent être identifiés et traduits devant la justice » a
affirmé Baldo.
Les parties engagées dans le conflit au nord du Mali
continuent à régulièrement violer les accords de cessation d’hostilité signés à
Kidal et à Alger afin de renforcer et étendre leurs zones de contrôle, et pour
renforcer leurs positions dans le processus de paix d’Alger, a déclaré l’expert.
« Les groupes armés extrémistes ou terroristes, qui ne sont
pas signataires de ces accords, ont un intérêt évident à saboter tout processus
pouvant aboutir au retour de la paix et de la stabilité au Mali », a-t-il
ajouté.
« Étant donné la complexité de ce conflit dont les multiples
dimensions dépassent les frontières de Mali, les acteurs nationaux, à savoir,
le Gouvernement malien, des Mouvements de la Plateforme et de la Coordination
devront faire preuve de bonne foi et de confiance en ce moment crucial et
œuvrer ensemble pour conclure la paix durable tant attendue par les populations
du Mali », a ajouté l’expert.
L’Expert indépendant a de nouveau insisté sur la nécessité
de placer les victimes au centre de ce processus de paix et de réconciliation
et de faciliter la participation des femmes dans ce processus.
« La situation sécuritaire précaire qui prévaut au Nord du
Mali a un impact très négatif sur la jouissance et la protection de tous les
droits humains, notamment les droits civils, politiques, sociaux, culturels et
économiques », a réitéré l’Expert indépendant.
« Toutes les parties prenant part au conflit ont commis de
sérieuses violations, y compris des atteintes au droit à la vie, des
disparitions forcées, des cas de torture, de violences sexuelles,
d’arrestations et de détentions arbitraires, et des atteintes au droit à la
propriété. Ces derniers mois, des communautés entières ont été forcées de se
déplacer afin de se protéger de châtiments collectifs imminents », a déclaré M.
Baldo.
Le retrait des autorités maliennes civiles de régions
entières du Nord à la suite des événements de mai 2014 a laissé à la population
un sens d’abandon quasi total. L’Expert indépendant s’est dit profondément
préoccupé par le fait que la situation dans le nord du Mali s’était
considérablement détériorée depuis sa dernière visite.
« En l’absence de magistrats et d’autres agents de la chaîne
pénale, un climat d’impunité s’installe dans le Nord. Deux juges du Tribunal de
la Commune trois de Bamako et un juge de Pôle anti-terroriste sont actuellement en charge des enquêtes sur les
violations de droits de l’homme et du droit humanitaire international
perpétrées depuis le début de la crise en 2012 », a-t-il déclaré.
Par ailleurs, le risque pour les acteurs humanitaires
œuvrant dans les régions du nord est très élevé à cause de fréquentes attaques
armées et des actes de banditisme dirigés contre eux. Ces attaques, et l’usage
fréquent de mines et d’engins explosifs improvisés par des groupes terroristes
sur les axes routiers, continuent d’aggraver la crise humanitaire et d’entraver
les mouvements des civils. De plus, les casques bleus de la MINUSMA sont de
plus en plus pris pour cible, comme le montre l’attaque survenue dimanche matin
et l’attaque suicide contre le même camp il y a deux mois.
Plusieurs interlocuteurs ont parlé des événements tragiques
survenus à Gao le 27 mars 2015 et qui ont causé la mort de trois manifestants
et blessé 17 personnes. « Je voudrais présenter mes condoléances aux familles endeuillées
», a ajouté M. Baldo.
Le rapport final de
l’équipe de haut niveau mandatée par le Secrétaire général des Nations Unies
pour enquêter sur ces évènements sera présenté d’ici à la fin mars 2015. « Je
ne veux pas préjuger de l’issue de cette enquête, mais j’aimerais souligner que
les casques bleus sont tenus de respecter les normes les plus élevées. Les
responsables devront rendre des comptes », a-t-il poursuivi.
L’expert a conclu sa visite, au cours de laquelle il s’est
rendu dans le nord du pays, notamment à Kidal et à Gao, par un appel à la
communauté internationale afin qu’elle redouble ses efforts pour aider le Mali
à sortir de cette situation et renforce la coopération technique pour le
développement du pays.
Au cours de sa visite de neuf jours, M. Baldo a rencontré le
Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme et Garde des sceaux, le
Ministre de la Solidarité, de l’Action Humanitaire et de la Reconstruction du
Nord ainsi que d’autres Hauts responsable du Gouvernement malien. Il s’est
également entretenu avec des représentants de la société civile, y compris des
associations de victimes, ainsi qu’avec le corps diplomatique et des agences du
système des Nations Unies.
« Je tiens à remercier les autorités maliennes pour avoir
facilité ma mission et pour avoir fait preuve d’une grande ouverture au
dialogue. Je tiens également à remercier tous ceux qui ont accepté de me parler
et de me fournir des informations utiles sur la situation des droits de l’homme
au Mali. Je suis très reconnaissant à la MINUSMA pour l’appui logistique fourni
dans le cadre de cette mission », a conclu l’expert.
L’Expert indépendant présentera un rapport sur la situation
des droits de l’homme au Mali au Conseil des droits de l’homme des Nations
unies le 24 mars 2015, et il fera une mise à jour orale de son rapport. Enfin,
l’expert a rappelé qu’il rendra compte des messages reçus des autorités, de la
société civile et des victimes au Conseil des droits de l’homme.
FIN
M. Suliman Baldo (Soudan) a pris ses fonctions d’Expert
indépendant sur la situation des droits de l’homme au Mali le 1er août 2013. M.
Baldo a occupé des fonctions de Directeur pour l’Afrique auprès de
l’International Centre for Transitional Justice basé à New York et de l’International Crisis Group.
En 2011, il a été l’un des trois membres de la Commission internationale
d’enquête mise sur pied par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies
afin d’enquêter sur les violences post électorales en Côte d’Ivoire.
Les Experts indépendants font partie de ce qui est désigné
sous le nom des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Les
procédures spéciales, l’organe le plus important d’experts indépendants du
Système des droits de l’homme de l’ONU, est le terme général appliqué aux
mécanismes d’enquête et de suivi indépendants du Conseil qui s’adressent aux
situations spécifiques des pays ou aux questions thématiques partout dans le
monde. Les experts des procédures spéciales travaillent à titre bénévole; ils
ne font pas partie du personnel de l’ONU et ils ne reçoivent pas de salaire
pour leur travail. Ils sont indépendants des gouvernements et des organisations
et ils exercent leurs fonctions à titre indépendant.
Droits de l’homme de l’ONU – Page d’accueil du Mali :
http://www.ohchr.org/FR/Countries/AfricaRegion/Pages/MLIndex.aspx
Pour des informations
additionnelles et des demandes des media, bien vouloir contacter : Brian Ruane
(+41 22 928 9724 /
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