République centrafricaine:
L’experte des Nations Unies rappelle l’importance d’accompagner les efforts de
paix par des mesures de justice pour mettre fin à la violence et cheminer vers
la réconciliation et la paix
GENÈVE / BANGUI (20 juin 2019) – «
L’accord de paix signé à Bangui le 6 février dernier constitue une opportunité
de vivre en paix pour le peuple Centrafricain. Cet accord ayant induit la
participation des groupes armés au gouvernement apparaît comme un symbole de la
réunification de la République. Cependant, il
ne pourra pleinement déployer ses effets que s’il est appliqué de manière
sincère par toutes les parties au conflit et est accompagné des mesures dans le
domaine de la justice, attendues par la population et clairement exprimées lors
du Forum de Bangui », a déclaré Marie-Thérèse Keita-Bocoum, l’Experte des
Nations Unies pour les droits de l’homme, à l’issue de sa visite en République
Centrafricaine. Elle renouvelle ses condoléances au peuple de Centrafrique
suite aux évènements survenus dans la région de Paoua et appelle les parties à
l’Accord, ses garants et facilitateurs à prendre toutes les mesures nécessaires
pour que de tels actes ne se reproduisent plus.
Au cours de sa visite, Mme
Keïta-Bocoum a entendu des appels forts en faveur de la justice, émanant de la
société civile, particulièrement des associations de victimes mais aussi des
autorités nationales et des partenaires internationaux de la Centrafrique.
L’Experte indépendante a pris bonne
note de la poursuite de la réforme du secteur de la sécurité et de la mise en
route du processus de Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (DDR) ainsi
que des défis rencontrés. Elle note également l’adoption de la loi sur la
protection des victimes et des témoins dans le cadre de la Cour Pénale Spéciale
(CPS) mais regrette que la loi sur l’assistance légale ne soit pas encore
adoptée. Elle a également été informée de la mise en place des principales
institutions de justice transitionnelle. « Dans ce processus de justice
transitionnelle, les juridictions ordinaires, la Cour pénale spéciale, la Cour
pénale internationale et la Commission vérité, justice, réconciliation et
réparation (CVJRR) auront chacune à jouer leur rôle et seront des éléments
cruciaux de réponse à la quête de justice des victimes » a précisé l’Experte. «
Et le lancement, le 6 juin, des consultations nationales en vue de
l’établissement de la CVJRR est un signal positif » a-t-elle ajouté. Il sera
important de doter ces institutions de ressource adéquates pour mener à bien
leur mission et, dans ce contexte, une aide robuste des partenaires
internationaux est essentielle.
Bien que des mesures aient été
prises pour améliorer la situation sécuritaire et la réinsertion des jeunes,
beaucoup reste à faire pour prévenir la recrudescence de la violence et
crédibiliser le processus de paix, en particulier l’application systématique
des sanctions en cas de brèches à l’Accord de paix. Dans la région de Bangassou
qu’elle a visitée pour la troisième fois pour faire le suivi des
recommandations antérieures, l’Experte a été informée du redéploiement des
forces de défense et de sécurité, et de l’administration publique. Elle s’est
aussi entretenue avec des bénéficiaires d’un programme de réduction de la
violence mise en œuvre dans la région, ce qui a permis à des jeunes ayant
déposé les armes, d’apprendre un métier et d’être accompagnés dans le lancement
d’activités devant leur générer des revenus. De telles mesures, si elles sont
bien appliquées et renforcées, devraient avoir un impact positif sur la
situation générale des populations a indiqué l’Experte. Néanmoins, de nombreux
défis restent à surmonter. Ces efforts qui sont pour l’instant circonscrits
dans certaines villes devraient rapidement être étendus à toutes les localités
qui offrent cette possibilité. Cela pourra servir de base à une véritable
politique de décentralisation. Les moyens devront être mis à disposition des
autorités pour assurer le redéploiement des institutions républicaines sur
l’ensemble du territoire. Il est important également que les axes routiers
soient sécurisés pour permettre la libre circulation des personnes et des
biens. L’instauration effective de la chaîne pénale sur l’ensemble du
territoire, notamment en ce qui concerne les poursuites, la détention
préventive et l’exécution des peines, laisse encore à désirer et est loin de
répondre aux aspirations de justice de la population.
De nombreuses personnes rencontrées
ont mis l’accent sur l’importance de la question du retour des réfugiés et des
déplacés internes. De nombreux retours spontanés ont été rapportés dans
certaines localités. L’Experte Indépendante a insisté sur le fait que les
retours doivent être volontaires et exhorté les autorités nationales et les
différents acteurs à prendre des mesures concrètes pour garantir les droits des
retournés, faciliter leur retour et les accompagner, notamment en ce qui
concerne la sécurité des biens et des personnes, le logement, l’éducation et
les soins de santé.
L’ampleur des besoins d’assistance
psycho-sociale des victimes et de diverses couches de la population a de
nouveau attiré l’attention de l’Experte. « Après tant d’années de guerre et de
violence, l’impact des traumatismes subis par la population doit être au centre
de nos préoccupations, car ce n’est qu’en apportant une réponse à cette
situation que les centrafricains pourront pleinement et sereinement avancer
vers le vivre-ensemble, la réconciliation et donc la paix durable » a expliqué
Mme Keita-Bocoum. Elle exhorte les partenaires à considérer cette question dans
les priorités d’appui qu’ils apportent à la Centrafrique.
L’Experte Indépendante sur la
situation des droits de l’homme en République Centrafricaine a effectué une
visite de dix jours dans le pays au cours de laquelle elle a rencontré les
autorités nationales, des représentants de la société civile ainsi que des
membres de la communauté internationale basée à Bangui. Lors de ces rencontres
elle a discuté notamment de la mise en œuvre de l’accord de paix, des risques
liés aux violations de ces dispositions ainsi que des avancées dans le domaine
de la protection et de la promotion des droits de l’homme. Elle a porté une
attention particulière à la situation des victimes, notamment des jeunes et des
femmes. Elle a effectué une visite de suivi dans le département de Mbomou où
elle a pu voir concrètement les mesures prises pour créer un environnement
sécuritaire et venir en aide aux populations.
L’experte indépendante rendra
compte de sa mission au Conseil des droits de l’homme à Genève le 10 juillet
2019.
FIN
Le mandat de l’Experte indépendante
sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine a été créé
par le Conseil des droits de l’homme le 27 septembre 2013. Mme Marie-Thérèse
Keita Bocoum, ancienne professeure à la Faculté des Lettres et Sciences
Humaines de l’université d’Abidjan en Côte d’Ivoire, a occupé différents postes
tant dans son pays qu’au sein de l’ONU. Elle a été Rapporteuse spéciale sur la
situation des droits de l’homme au Burundi, Représentante de la
Haut-Commissaire aux droits de l’homme auprès de l’UNOWA, mais également
Directrice de la division des droits de l’homme et Représentante de la
Haut-Commissaire aux droits de l’homme au Darfour.
Les Experts indépendants font
partie de ce qui est désigné sous le nom des " procédures spéciales "
du Conseil des droits de l’homme. Les procédures spéciales, l’organe le plus
important d’experts indépendants du Système des droits de l’homme de l’ONU, est
le terme général appliqué aux mécanismes d’enquête et de suivi indépendants du
Conseil qui s’adressent aux situations spécifiques des pays ou aux questions
thématiques partout dans le monde. Les experts des procédures spéciales
travaillent à titre bénévole; ils ne font pas partie du personnel de l’ONU et
ils ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants des
gouvernements et des organisations et ils exercent leurs fonctions à titre
indépendant.
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République centrafricaine
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